La
grotte des faits
Nous
sommes dans la vallée de la Sorgues, au cœur du petit village de
Latour. Ce matin Jean-Luc, son petit fils Clément et sa petite-fille
Léa, sont allés se promener.
Après
avoir parcouru quelques kilomètres sur un sentier, le grand père
indique aux enfants une grotte, au dessus d'une petite paroi
rocheuse. C'est une grotte peu profonde, dont l'entrée donne sur la
vallée .
-«
Les enfants venez on va s'arrêter là haut. »
Une
fois arrivé à la grotte il dit alors :
«Voilà
la grotte des Faits. »
-« La
grotte des quoi ? »
-« Des
Faits ! Certains l'appelle la grotte des Fadarelles, ce qui veut dire
les fées en occitan, mais pour moi cette grotte est la grotte des
faits historiques». Jean- Luc s'avance dans la grotte et s'assoit
sur un rocher.
-«
Ici j'ai vécu la guerre vous voyez, cette gravure c'est mon ami
Maurice qui l'a écrite. »
Il
y avait une étoile et une croix.
«
Il est mort à cause d'une blessure à la jambe, à la suite de
l'explosion d'une grenade. »
«
Cela a dû être dur pour toi de perdre un ami. »
-«
Plus que dur... Je n'avais que lui.»
Une
larme glissa sur sa joue. Il se souvenait de cet ami avec qui il
adorait jouer à l'estrebel, un vieux jouet que nous fabriquions avec
du bois, du fil et une noix.
«
Mais avant cela, j'ai été déporté dans un camp de
concentration. » Un lieu qui ressemble à l'enfer.
« Raconte
nous tout.»-
« Tout
a commencé ce samedi de décembre 1943. J'étais dans mon lit,
tranquillement quand j'ai entendu ma mère crier : « Non! Je vous en
supplie, non, ne nous envoyez pas là-bas, j'ai peur ! Un policier
braquait son arme sur elle. Sans faire de bruit ma mère entra dans
ma chambre, elle m'attrapa par le bras et m'embrassa sur le front
«
Viens vite , suis moi . »
Elle
m'emmena dans le salon .Le policier nous poussa vers la porte. Je ne
savais pas ce qui se passait. Dans la rue il y avait des juifs et des
policiers partout. Quelques heures d'attente passèrent.
Puis
ils nous entassèrent dans des wagons à bestiaux. Après un long
voyage le train s'arrêta. Ils nous firent sortir.
J'étais
tout petit et ils ont osé me faire un tatouage sur le bras droit.
«
Regardez mes enfants » dit il en levant doucement sa manche .Sur le
tatouage il y avait inscrit 173021. Il continua à raconter
l'histoire.
Ils
nous faisaient travailler sans arrêt.
Un
jour je me suis enfui en laissant ma mère là, elle ne pouvait pas
venir avec moi, ils nous avaient séparé. Les enfants, les mères,
et les pères. »
« Comment
t'es-tu échappé ? »
« Je
suis parti au moment du repas, j'ai réussi à découper le grillage,
mais il fallait encore traverser la forêt, les ronces, les animaux,
les soldats, les passants allemands, Hitler, je les ai tous redoutés.
J'ai passé des jours et des jours à me cacher dans des trains, j'ai
parcouru des centaines de kilomètres, et une nuit, j'ai sauté d'un
wagon. »
Une
fois sorti de la forêt, j'ai cherché un refuge. Le lendemain je me
suis réveillé. Devant moi il y avait un garçon brun aux yeux
verts. Il me regardait fixement et je lui demandais :
«
Qui êtes vous ? Et pourquoi me regardez vous ainsi ? »
« Je
m'appelle Maurice. Tu es juif, n'est-ce pas? J'ai vu ton tatouage, ce
sont des allemands qui t'ont fait cela? Viens avec moi, tu peux venir
chez moi, on va te cacher et te protéger. »
C'est
ainsi que j'ai passé plusieurs mois dans cette famille aveyronnaise.
Ils m'ont traité comme l'un de leurs fils, et à chaque fois que les
allemands ou la police française arrivaient, je venais me cacher
dans cette grotte.
Je
pouvais aller boire à la source de Labeil. Le seul problème,
c'étaient les serpents qui se cachent souvent au fond de la grotte.
Mais
la dernière fois que j'ai vu Maurice, les policiers français au
service des allemands étaient plus nombreux que d'habitude,Ils
venaient les chercher, j'ai appris beaucoup plus tard qu'ils avaient
été dénoncés! »
« Il
va avoir une rafle ,vite, cache-toi au fond de la grotte .
« Ce
sont les derniers mots que j'ai entendus, Je suis resté caché ici
pendant plusieurs jours.
Voilà,
mes enfants, grâce à cette famille, j'ai pu être sauvé. Cette
grotte a été ma maison, et je suis certain que les fées n'existent
pas, car je ne les ai jamais aperçues. Par contre, les justes
existent, ces gens qui ont sauvé des enfants juifs comme moi.
J'ai
rejoint ensuite la résistance au Mas Raynal. J'ai combattu à leur
coté, c'était une façon de remercier Maurice.
La
Gestapo a même fait une descente en mai 1944 car nous étions très
actifs.
Je
voulais vous raconter cette histoire,ainsi vous pourrez la raconter à
vos enfants. Il ne faut pas oublier le passé, pour ne pas faire les
mêmes erreurs. »
Sur
le chemin du retour, tous restèrent silencieux...
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